Une cessation de paiement puis l’entame d’une procédure collective d'un client résonnent souvent comme une défaite définitive pour le créancier.

Même si le débiteur le souhaitait, il ne serait pas autorisé par la Loi d’honorer ses factures fournisseurs (gel de passif effectif dès la date du jugement).

En vertu du principe d’égalité entre les créanciers, la procédure collective bloque toute mesure d’exécution forcée visant pour les créanciers à recouvrer leurs créances.

Ceux-ci n’ont d’autre choix que de faire valoir leurs droits à l’encontre du débiteur dans le cadre de la procédure collective. Or, il est peu probable qu’ils obtiennent une compensation financière significative dans un délai acceptable.

Les créanciers chirographaires (ne jouissant d’aucun privilège) sont en effet les derniers sur la liste des personnes morales à être indemnisés du préjudice subit suite à la défaillance de leur client.

Il est donc nécessaire d’anticiper et d’agir efficacement avant la cessation de paiement de son débiteur.

La saisie conservatoire est une procédure provoquant une saisie provisoire de biens mobiliers ou liquides et qui ne peut être contestée même en cas de procédure collective.

En effet, la règle de l’arrêt des poursuites ne peut porter atteinte aux droits acquis par les créanciers avant la date de jugement d’ouverture.

La saisie conservatoire est donc particulièrement adaptée lorsque que le créancier estime que son client est en train d’organiser son insolvabilité ou roule à tombeau ouvert vers la défaillance à cause de difficultés financières.

Conditions et mise en œuvre

Pour effectuer une saisie conservatoire, le créancier doit être en mesure de justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d’une créance paraissant fondée.
Il n’est pas obligatoire à ce stade que la créance soit certaine ni exigible. La procédure peut être effectuée sur une créance non échue sur laquelle un risque de non-paiement existe.
Pour cela, il peut s’adresser directement à un huissier s’il détient l’un des titres suivants :
  • Titre exécutoire
  • Décision de justice non encore exécutoire
  • Chèque impayé
  • Lettre de change acceptée ou billet à ordre.
Si ce n’est pas le cas, le créancier doit saisir le juge de l'exécution du Tribunal du domicile du débiteur en apportant les éléments constitutifs du dossier :
  • Factures
  • Bon de commande
  • Bon de livraison
  • Justification des motifs pour lesquels la mesure est demandée
  • Mentions légales, adresses du créancier et du débiteur.

Il est important de présenter l’ensemble des éléments de nature à emporter la conviction du juge sur le principe de la créance et sur la menace de recouvrement.

La mesure étant conservatoire (non définitive), le juge de l’exécution n’a pas besoin de trancher le fond. Il lui suffit d’établir que la créance est en apparence fondée. C’est pour cette raison qu’un chèque ou une lettre de change acceptée impayés suffisent à établir cette apparence et ne nécessite pas de passer par un juge.

Le deuxième critère de validation est l’évidence d’une menace pouvant empêcher le recouvrement de la créance. En effet, s’agissant d’une mesure exceptionnelle, elle ne doit être prise que si elle est vraiment nécessaire.

Le créancier doit être en mesure de faire état d’un risque particulier l’empêchant de se faire payer. Il s’agit dans la plupart des cas d’un risque d’insolvabilité. Que celui-ci soit supposé ou révélé, il crée incontestablement la menace requise.

En cas de décision favorable du juge, le créancier dispose d’un délai de trois mois pour faire procéder à la saisie conservatoire par huissier.

Si la saisie a été effectuée sans titre exécutoire, le créancier doit assigner le débiteur en justice dans les 30 jours pour faire constater la créance.

La saisie conservatoire est donc une mesure d’urgence qui permet d’obtenir une garantie sans attendre une décision de justice qui peut prendre du temps et être interrompue par une procédure collective.
A noter que la saisie peut porter sur l’ensemble des biens du débiteur en dehors des biens insaisissables (biens indispensables aux personnes).

Le débiteur a la possibilité de contester la saisie conservatoire et de demander sa mainlevée notamment en cas de litige concernant la créance. Dans ce cas, il incombe au créancier de prouver la réalité de la créance et son incontestabilité.

Si le juge estime le contraire et ordonne la mainlevée, le créancier peut être condamné à payer des dommages et intérêts à son ancien client.
Comme pour toute action en justice visant à recouvrer définitivement des créances de manière forcée, il est nécessaire au créancier de pouvoir démontrer que la créance est certaine lors de l'assignation.
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