Les résultats de l’enquête menée sur Etrepaye.fr concernant l’application des pénalités de retard de paiement entre professionnels sont très instructifs sur le comportement des entreprises et bouleversent certaines idées reçues. |
La crise est passée par là, la limitation des délais de paiement a été appliquée par palier au gré des accords dérogatoires négociés par branche professionnelle. Avec le recul de presque 5 ans, ces dérogations ont peut être permis à ce que la Loi soit au final appliquée dans ce domaine. Rares sont les entreprises aujourd’hui qui facturent avec un délai de paiement supérieur à celui autorisé par la Loi. Le délai de paiement est une chose, le délai de règlement effectif en est une autre. Peu importe que la durée entre la date de facture et sa date d’échéance soit de 60 ou 90 jours si l’acheteur paie de toutes manières après 120 jours ! Le délai de paiement est une partie seulement du crédit client, auquel s’ajoutent les retards de paiement pour obtenir le délai de règlement global qui seul affecte le Besoin en Fonds de Roulement (BFR) des entreprises. La mise en place de pénalités de retard dues de plein droit le jour qui suit la date d’échéance de la facture a précisément pour objet de contraindre les entreprises à respecter les échéances contractuelles des factures. En effet, si retarder le paiement à un fournisseur coûte plus cher que le gain attendu en terme de trésorerie, mieux vaut payer en temps et en heure, ce qui permet entre autre d’éviter des relances voire des blocages de compte de la part du vendeur. Nous pouvions donc nourrir des espoirs sur l’efficacité de la LME car elle s’attaquait aux deux composantes du délai de règlement interentreprises, fléau de la trésorerie des PME / PMI / TPE. Pour que ces espoirs soient concrétisés, encore faut-il que les principes énoncés par la LME soient appliqués. C’est ce que nous allons déterminer avec les résultats de l’enquête précitée qui a eu lieu du 15 septembre au 15 octobre 2013 auprès des lecteurs et utilisateurs d’Etrepaye.fr. Résultats de l'enquête sur les pénalités de retard en 2013Première étape de l’application d’une disposition légale : en être informé.88% des personnes interrogées ont connaissance des obligations concernant les pénalités de retard. 87% ont intégré les mentions obligatoires dans leurs factures et leurs conditions générales de vente. 82% des sondés sont informés des dispositions à propos de l’indemnité forfaitaire de frais de recouvrement. Seuls 70% ont inséré les mentions liées à cette indemnité dans leurs documents commerciaux. Cette différence s’explique aisément compte tenu du caractère récent de l’indemnité forfaitaire de frais de recouvrement qui est imposée par la Loi n°2012-387 depuis le 1er janvier 2013 alors que les pénalités de retard sont obligatoires depuis le 1er janvier 2009. Le taux d’intérêt utilisé par les entreprises est étonnamment faible avec 43% d’entre elles qui appliquent un taux compris entre 0,12%, le taux minimum légal en 2013 (soit 3 fois le taux d’intérêt légal historiquement bas à 0,04%), et 6%. Près de 50% d’entre elles utilisent un taux inférieur à 10% et ce même parmi les grands groupes. Cette proportion monte à 60% pour les PME – PMI ! Il est clair que cette fourchette comprend des taux qui ne sont pas dissuasifs et qui n’incitent pas l’acheteur à respecter les dates d’échéances des factures. Dans beaucoup de cas, le taux d’intérêt de pénalité de retard est inférieur au coût de financement du client qui n’a donc pas particulièrement intérêt à payer en temps et en heure, même s’il doit payer la pénalité ensuite. Outre le taux minimum légal qui n’a pas de sens en 2013 (il faut rappeler que le taux légal était de 3,79% en 2009 lors de la mise en œuvre de la LME contre 0,04% en 2013), la Loi fixe un taux « par défaut » égal au taux directeur de la BCE majoré de 10 points de pourcentage, soit 10,5% actuellement. Ce taux est beaucoup plus cohérent et constitue un « minimum » acceptable même si je recommande d’utiliser un taux plus élevé à 12%.
Qui applique les pénalités de retard ?Selon la Loi, la facturation des intérêts de retard n’est pas obligatoire étant donné qu’ils sont dues de plein droit. Le vendeur peut néanmoins émettre une facture s’il le souhaite, ce qui démontre une réelle volonté d’obtenir le paiement des pénalités. |
Plus des 2 tiers des sociétés qui les réclament en obtiennent partiellement le paiement, d’avantage en provenance des acheteurs privés plutôt que publics. Ce dernier point est étonnant car nous pourrions penser que les établissements publics respectent d’avantage la législation que les privés. Il semble que ce ne soit pas le cas de la même manière qu’ils ne respectent que trop peu les délais maximaux de paiement prévus par la Loi. Point encourageant, 43% des entreprises interrogées se font payer des pénalités de retard, même si une grande partie affirme n’obtenir qu’un faible montant annuel entre 1 et 1000 euros. 6% d’entre elles récupèrent plus de 10 000 euros par an, ce qui commence à être significatif ! Cette enquête montre clairement que les entreprises qui exigent leur paiement arrivent à les obtenir partiellement. Si c’est le cas, c’est avant tout parce qu’elles y croient. 39% pensent que les intérêts de retard et l’indemnité forfaitaire de frais de recouvrement vont contribuer à la réduction des retards de paiement dans le futur. |
Nous sommes dans le cas où une forte minorité applique un principe ou essaie de l’appliquer dans un contexte général peu enclin à aller dans ce sens. De nombreux commentaires issus de l’enquête insistent sur l’impact commercial néfaste qu’auraient les l'application de cette disposition légale. A ceci, je pose une question : A-t-on déjà entendu, vu ou constaté la perte d’un client parce que le vendeur aurait réclamé des pénalités de retard et appliqué la Loi ? Le commentaire suivant écrit par une des personnes ayant répondu à l’enquête résume bien la réalité actuelle : « Les pénalités de retard se heurtent à une culture commerciale peut encline à les intégrer d’autant plus que le contexte économique est tendu. Plus de concurrence augmente les peurs de perdre des clients. Moins de financement bancaire contribue aux difficultés de trésorerie des entreprises et à la hausse des retards de paiement. » Il s’agit bien d’une peur de perdre le client en lui demandant le paiement d’intérêts de retard, et ce dans un contexte économique globalement défavorable. J’ose affirmer que cette peur est dans la plupart des cas infondée notamment lorsqu’il ne fait pas de doute que les créances sont certaines (absence de litige) et échues. Les résultats de cette enquête démontrent que les seules conséquences pour les entreprises qui demandent le paiement des pénalités de retard sont :
Quid dans les autres pays ?Le principe des pénalités de retard de paiement est présent dans la législation commerciale de nombreux pays, notamment en Europe où la Loi NRE les a introduites en 2001. Cependant, leur application dans les faits est surtout liée à la culture commerciale locale. ConclusionCette première enquête est très instructive et confirme que si les principes des pénalités de retard et de l’indemnité forfaitaire de frais de recouvrement sont relativement peu appliqués en France, il s’agit avant tout d’un problème de culture. |
Pour rebondir sur le commentaire précédent, une négociation claire des délais de règlement est indispensable. Cependant du faite de la culture française, il apparaît que ce point reste traditionnellement tabou au niveau des négociations commerciales. Regrettable.
Un deuxième point me parait délicat: le manque d'uniformité dans l'application des frais de retards. En effet ceci devenant un vrais bras de levier au niveau des négociations, il semble indispensable que cette loi soit appliquée à la lettre et part tous.